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État et consommateurs impuissants

A Dakar comme un peu partout au Sénégal, les prix de certaines denrées alimentaires connaissent une hausse inquiétante. Entre l'huile, le sucre ou même la viande, tout est devenu plus cher. Les acteurs évoquent diverses raisons et somment le ministère du Commerce de réorganiser le secteur.

Mariama Dalanda Bah vient à peine de rentrer du marché. La jeune femme de 28 ans a du mal à contenir ses émotions, la hausse du prix de certaines denrées la laisse sans voix. « Vous imaginez que le kilo de viande coûte 4800 FCFA, si cela continue ainsi, on risque de pas beaucoup en manger les jours à venir », s’énerve-t-elle. Affalée sur les carreaux marrons de sa chambre dans un vieil immeuble à Colobane, elle enchaine : « mon mari adore la viande, mais avec ma dépense quotidienne de 5000 francs, si j’achète un kilo de viande, il ne me restera plus rien ». Entre inquiétude et dégout, les mères de famille constatent avec désarroi que ce n’est pas simplement le prix de la viande qui a connu une hausse dans le marché sénégalais. Le sucre, l’huile et toutes ces denrées de première nécessité n’échappent pas à la règle.

Dans les boutiques à Colobane, le prix des denrées n’est pas constant. L’huile varie entre 1200 et 1300 le litre ; quant au sucre, il reste introuvable. Les rares qui en disposent le vendent entre 650 et 900 francs CFA le kilo. Mamadou Sy fait partie des malheureux boutiquiers qui n'arrivent pas trouver la poudre blanche. Aucun de ses fournisseurs n’en disposent ; quant à l’huile, il vend le litre à 1200 FCFA. Cette augmentation et cette rareté des produits, les vendeurs comme Mamadou n’arrivent pas à l’expliquer. « Vraiment, je ne sais pas ce qui se passe. Tous mes fournisseurs me disent qu’ils n’ont pas de sucre et que le prix de l’huile à augmenter. Donc, je ne fais que m’adapter à la situation du marché, même si cela frustre les clients », lance-t-il accoudé au comptoir.

Au marché Sandaga, les femmes se passent le mot : « La situation du marché est très difficile ». Pauline Sambou est venue faire ses courses. Sac à la main, cette quinquagénaire estime que c’est lié à l’hivernage. « Ici, tout est cher : les légumes, l’huile, la viande. Et cela n’est pas facile à gérer, surtout quand on a une grande famille », argue-t-elle avec un certain désespoir.


A qui la faute ?

Mais alors qu’est-ce qui est à l’origine de cette hausse ? L’État ou les fournisseurs ? Les bouchers, à Guy Guewel au marché Sandaga, pointent du doigt l’Etat. Sous ce grand baobab sont installés près de 5 vendeurs de viande. Tables en bois, petites cantine en rouge et blanc, la marchandise est étalée à la vue de tous. Abba Niang, un des vendeurs, se désole de la situation : « Nous même sommes dépassés par le prix de la viande, en ce moment. On achète chez nos fournisseurs à 3400 francs le kilo. Plusieurs clients pensent que nous sommes à l’origine de la hausse, mais Dieu sait qu’on y est pour rien ».

Couteaux à la main, l’homme s’active à satisfaire ses clients qui cherchent des explications. Marie Diatta est surprise d’apprendre la hausse. Avant de venir, cette habitante de Colobane, la quarantaine, était loin d’imaginer que les prix de la viande avaient ainsi grimpé. « C’est vraiment difficile, surtout pour moi qui ai une très grande famille. Tous les prix ont augmenté. C’est vraiment dur », dit-elle sur un ton désolé.

Avec cette hausse du prix de la viande, les vendeurs de sandwich le ressentent. Awa Guèye, vendeuse de 23 ans, n’achète désormais que 250 grammes de viande à 1000 FCFA, au lieu des 500 grammes qu’elle avait l’habitude de payer. Si Amadou Diallo, l’homme à la poussette bleue, s’est évertué à augmenter le prix de ses sandwichs pour s’en sortir : 1000 FCFA le plus petit ; Awa, elle, a décidé de diminuer la quantité de viande qu’elle met dans les sandwichs. Venue de Keur Massar, elle comprend que ce n’est pas la faute des bouchers. « Le secteur des produits carnés est mal organisé. L’Etat ne nous soutient pas. En plus de cela, au Sénégal, il n’y a pas suffisamment de bœufs. Ils viennent de la Mauritanie ou du Mali. Et quand ils arrivent avec leurs marchandises, ils fixent leurs propres prix », lance Abba, en remettant à Awa sa commande.

Pas de pénurie de sucre, selon Momar Ndao, Ascosen

Un fait sur lequel s’accordent Momar Ndao, président de l'association des consommateurs du Sénégal, et Mamadou Dieng, secrétaire général de l’Unacois Jappo. La hausse du prix de l’huile, expliquent-ils, est due à un renchérissement au niveau international, mais également, à une hausse du coût des conteneurs. Quant au sucre, il évoque une pénurie. « La compagnie sucrière du Sénégal a une capacité de production de 160 mille tonnes, alors que le Sénégal consomme, chaque année, 200 mille tonnes de sucre ».

Selon le secrétaire général du l’union nationale des Commerçants et industriels du Sénégal, ce gab de 60 mille tonnes est l’une des raisons pour lesquelles le sucre est en manque au Sénégal. ‘’La compagnie sucrière voulait se substituer les commerçants pour importer les 60 mille tonnes manquantes, mais, nous nous sommes opposés à cela. L’importation doit être du ressort des commerçants’’, dit-il. Momar Ndao, lui, affirme qu’il n’y a pas de pénurie de sucre, actuellement. « Le souci est lié à de petits dysfonctionnements liés à la livraison. Le Sénégal ne consomme que 18 tonnes de sucre environ par mois. D’ailleurs 25 000 tonnes sont disponibles au niveau de la compagnie sucrière», assure le consumériste. 

S’exprimant sur la RFM hier, le ministre du Commerce Aminata Assomme Diatta a effectivement confirmé les spéculations au niveau international, notamment pour l'huile due à la non disponibilité des conteneurs, mais également, à la difficulté d'approvisionnement dans les pays fournisseurs telle que la Malaisie. Ce problème est lié à la pandémie. S'agissant du sucre, elle déclare : ‘’C'est une question assez complexe”. Depuis mars, la compagnie sucrière a assuré disposer de 124 mille tonnes de sucre. Le 3 août, elle a confirmé pouvoir assurer la consommationen sucre jusqu’au mois d’octobre. 

Le directeur du commerce intérieur est allé sur place, le 6 août, et effectivement, selon Mme Diatta, la CSS disposait de 32 mille tonnes, suffisamment de quantité pour approvisionner les Sénégalais au cours de ce mois. La rareté, on n’arrive pas à l’expliquer réellement. Elle évoque quand même diverses raisons : difficulté de livraison, certains industriels qui s’approvisionnent au niveau national, parce que au niveau international le prix du sucre à augmenter. ‘’C’est nous qui avions pris l’engagement qu’on ferait tout pour que le prix de certaines denrées n’augmente pas, mais vu la situation au niveau international, on n’y peut rien. On ne peut ni agir sur les droits de douane ni sur les taxes de protection’’, a expliqué Assome Diatta.

Si Mamadou Dieng et Momar Ndao parlent de manque d’organisation de la part du ministère. La ministre Assomme Diatta, elle, compte convoquer le conseil national du commerce, la semaine prochaine, pour trouver une solution.

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